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  1. URGENCES ET SENTIMENTS

    8 mai 2018 par Jacques Deruelle

     

    Avec ses parcs nombreux, ses larges avenues recomposées, son passé, Berlin, ville cosmopolite possède un charme à découvrir!  Dans l’attente d’embrasser son patrimoine, sa culture, sa gastronomie  guidé par une jeune et dynamique journaliste de Libération en poste dans la capitale germanique, la lecture du roman de Kristrof Magnusson « Urgences et sentiments » nous a permis de sillonner la cité, d’en mesurer les contrastes aux côtés  d’une équipe d’urgentistes, Anita Cornélius médecin et son ami Maik pompier.

    Jusqu’au-boutiste en intervention dans la sauvegarde des vies humaines, jeune homme incarcéré dans sa voiture accidentée, vieil homme en détresse  respiratoire dans son cabanon, retraité vomissant du sang dans sa baignoire, Anita juge avec sang froid et maîtrise l’art du réconfort. Face aux patients, elle trouve toujours une solution mais son entêtement à régenter la vie de ses proches a mis en échec sa vie de couple. Son ex-mari, médecin dans le même hôpital vit désormais avec Heidi une jeune publicitaire. Partagé entre ces deux foyers son fils Lukas  âgé de quatorze ans s’éloigne de la tutelle maternelle.

    Le roman navigue entre deux expériences, celle très réaliste et documentée des procédures médicales d’urgences, et celle de l’intimité des êtres en proie aux tourments de l’altérité. L’héroïne découvre à la quarantaine qu’il est vain de juger les comportements comme des maladies, les injonctions ne faisant que dresser d’avantage leurs destinataires. On ne déverrouille pas une psyché atteinte d’une dépendance à l’aide d’une simple prescription médicamenteuse! Prompte à vouloir changer les situations qui lui déplaisent, Anita découvre les limites de son intransigeance qui la place en victime des autres dans la pratique de sa vie amoureuse. Pour réussir dans ce domaine, il lui faudra perdre de son obstination confinant parfois à l’intolérance, considérer autrui avec la bienveillance qu’on s’accorde à soi-même pour retrouver l’estime de l’ex mari, du fils ou de l’amant.

     

     

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  2. SÉVILLE 82. Le match du siècle

    4 mai 2018 par Jacques Deruelle

     

    Le 8 Juillet 1982 à Séville, la  demi-finale de la coupe du monde de football opposait la France à l’Allemagne de l’Ouest. Sans doute aucune soirée sportive n’a laissé autant de traces dans le souvenir de toute  une génération  de téléspectateurs aujourd’hui sexagénaires. Pas même la prestigieuse victoire de l’équipe de Zidane au stade de France en 1998. Le succès réjouit, mais la défaite ronge quant elle ne découle pas de la supériorité de l’adversaire mais d’un arbitrage déficient allié à la malchance. La France de Mitterrand rêvait d’une première finale après l’échec lointain des français face au Brésil en 1958. Depuis lors, le football hexagonal et ses étoiles, Combin, Herbin ou Budzynski ne brillait guère au plan international, surclassé même par la voisine Belgique.  L’épopée des verts de Saint-Étienne en coupe d’Europe durant la septième décennie orchestrée par un jeune prodige aux coups francs magiques, Michel Platini faisait naître l’espérance d’un football à la hauteur des rivaux européens, néerlandais,  italien, espagnol ou allemand. Entrainée par  Michel Hidalgo, l’équipe affichait  alors un jeu séduisant et offensif associant les lignes arrières. Elle possédait plusieurs joueurs d’exception  dont Tigana, Giresse et Genghini formant avec Platini le « carré magique », un quatuor remarquable de relayeurs, de passeurs et de tireurs de précision à longue portée.

    A l’entame, les allemands déroulent leur rouleau compresseur,  étalage de puissance physique et de qualités techniques, et prennent l’avantage.  Aux français alors de réciter leurs gammes  faites de passes aériennes, précises, de redoublement, de percées audacieuses. En attaque Six et Rocheteau manquent de tranchant mais défendent courageusement.  Les bleus maitrisent le terrain et égalisent sur un penalty indiscutable avant la mi-temps. En deuxième période, la bataille reprend âprement entre  deux footballs, l’un de force et l’autre de beauté. Les français dominent et l’exploit parait à leur portée mais à la soixantième minute  Batiston qui file seul au but est percuté en pleine course d’un violent coup d’épaule à la face par le portier Schumacher. Le milieu de terrain s’effondre KO. L’agression qui échappe aux trois arbitres n’est pas sanctionnée d’un carton rouge. Platini et les siens s’unissent alors en une éruptive rébellion et concrétisent leur domination de deux buts consécutifs au cours de la première prolongation. La France mène par 3 buts à 1 à dix huit minutes du coup de sifflet final. C’est un exploit en forme de chant du cygne car les tricolores sont à la peine à l’image de Janvion qui boitille. Experts en mobilisation des ressources physiques, les allemands égalisent et triomphent à la loterie des tirs au but. 

    Que de rebondissements dans ce match hors normes, que de ferveur, d’espoir et de désillusion si proche du haut fait d’arme!.. Au déroulé de cet incroyable scénario, nous étions tous debout  devant le petit écran, tendus à l’extrême, otages désolés d’une dramaturgie inégalée depuis.

    La défaite consommée, on proféra contre les vainqueurs quantité d’épithètes disqualifiant, bouchers, barbares, nazis. On incrimina l’arbitre néerlandais jugé coupable d’avoir favorisé les allemands au détriment des français tombeurs des Pays-Bas aux éliminatoires.  La compétition avait perdu son caractère purement sportif. Nos réactions furent outragées à la mesure des blessures de notre identité. L’exaltation alla crescendo sitôt apprise le lendemain du match, la gravité des blessures infligées à Patrick Batiston et ressurgit du passé le fantôme d’un puissant courant anti-allemand.

    Aujourd’hui, personne n’est dupe des excès du sport business qu’illustre l’énorme cagnotte des droits télé, de la réalité du dopage, des matchs truqués, des pressions du marketing sur les « stars » actuelles du ballon rond glorifiées par la jeune génération. Le 14 Juin prochain débutera en Russie la prochaine coupe du monde. Elle offrira donc l’occasion d’éteindre en nous l’instinct belliqueux et la croyance aux surhommes pour apprécier le beau jeu collectif et le talent des sportifs, bleus rouges ou noirs. Nous féliciterons le vainqueur et encouragerons le vaincu en citoyens éveillés, qui se passionnent pour de nobles causes et qu’un rectangle de pelouse ne saurait instrumentaliser. 

     

     

     

     

     

     

     

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  3. BAKHITA

    21 avril 2018 par Jacques Deruelle

    « Femme, mon heure n’est pas venue » répond sèchement Jésus à sa mère venue lui demander assistance car le banquet de Cana manque  de vin. Le fils de Dieu n’est t-il pas sur terre pour épandre la nourriture spirituelle! Conciliant, le Messie satisfera pourtant  aux besoins nutritionnels des convives dans l’espérance d’ atteindre un jour les esprits. Entièrement soumise au système politique  marchand, notre époque manque cruellement de ressources transcendantales et mystiques, un risque majeur pointé à l’époque par le sauveur. Pour éviter que nos âmes ne s’estompent dans une modernité désincarnée et purement matérialiste, c’est en littérature qu’il faut rechercher désormais les prophètes capables de donner vie à des figures exemplaires, des emblèmes revitalisants de notre humanité commune.

    L’ambiance mystique est une source puissante d’inspiration.  Enluminant le mur d’une église française, l’écrivaine Véronique Olmi à découvert  la photo d’une sainte à la peau noire, Madre Gioseffa Bakhita  d’origine soudanaise, morte en 1947, dont elle retrace le saisissant parcours dans un roman bouleversant, Bakhita.

    En 1869 à l’âge de sept ans, Bakhita est kidnappée avec sa petite sœur aux abords de son village, arrachée au bonheur d’une vie pastorale  et familiale comblée d’amour. Des négriers  ont enlevés une centaine de femmes et enfants pour alimenter le marché aux esclaves de Khartoum.  C’est une expédition de trois cent kilomètres à travers la savane et le désert, chaînes aux pieds, sous les coups de fouets. Beaucoup d’entre eux périssent en chemin, malades achevés, blessés abandonnés aux loups, orphelins dont le bourreau fracasse le crâne. Bakhita endure la faim le froid et les coups forte de sa ligne de vie, la main de sa sœur cadette dont elle est brutalement séparée au cours d’un croisement de caravaniers. L’héroïne portera en elle toute sa vie durant la blessure de ces deux arrachements sans jamais perdre la ressource salvatrice de protéger plus fragile que soi en reproduisant l’acquis des gestes apaisants de la tendresse maternelle.

    A Khartoum elle sera achetée à plusieurs reprises comme domestique par des notables musulmans, subira un viol à onze ans, des traitements sadiques en punition d’avoir levé les yeux sur le maître, des bastonnades si la maîtresse superstitieuse a subi un contact lors de son habillage, une séance de torture pour qui veut une esclave décorée de grands tatouages au visage ou sur le corps selon son caprice. Bakhita survivra au calvaire de 114 entailles imprégnées de sel sur tout le corps. Le consul d’Italie la rachète, elle a alors dix sept ans et part en Vénétie pour prendre soin d’un bébé dont elle sauvera la vie en aspirant les mucosités. Là, c’est une langue qu’elle ne comprend pas. Son parlé est un mélange de turc, d’arabe, d’italien sans trace de la langue natale oubliée comme son propre patronyme. Bakhita est son nom d’esclave.

    En 1869, à l’occasion d’un voyage en Afrique du Consul, la jeune domestique est temporairement placée à l’institut des catéchumènes de Venise, un ordre de sœurs canossiennes chargé de l’éducation de jeunes orphelins. Au retour des maîtres, Bakhita commettra son seul acte de rébellion fondateur en refusant de quitter le cloître. Elle a toute sa place auprès d’enfants abandonnés victimes de la grande pauvreté si familière à ses yeux d’esclave! Un procès en droit canon lui rendra justice, elle est affranchie au grand déplaisir de la bourgeoisie italienne qui n’a pas aboli le servage. L’église ne pouvait guère  maintenir en esclavage une ouaille qui offrait sa vie au service de Dieu.

    Car Bakhita a foi en Dieu, ce grand tout qui offre son royaume aux plus démunis et aux cœurs purs et en Jésus le crucifié dont le calvaire pour le salut des hommes fait écho à son propre chemin de croix. Au terme de deux années d’apprentissage, elle entre dans les ordres, fait merveille à la cuisine de l’Institut, puis se dévoue sans relâche à la gestion de la sacristie. Enfin, en charge de l’accueil des visiteurs, elle parviendra à  convaincre  les esprits  les plus hostiles à sa couleur de peau par sa bonté et son abnégation. On publie le récit de sa vie en feuilleton puis en livre au succès immense tant l’Italie se passionne pour cette histoire miraculeuse de conversion d’une « païenne » soustraite à l’esclavage et à « l’ignorance ».

    Sauvée de la « barbarie primitive » par l’action civilisatrice de l’Italie fasciste, son intégration sert les intérêts de Mussolini qui convoite Éthiopie.  Elle est désormais une icône à la démarche claudicante sa mémoire corporelle. Des foules fascinées, que l’église en quête de fonds rassemble la célèbrent, de couvents en lieux de prières à travers le pays. Elle s’éteint à l’âge de soixante dix huit ans et sera déclarée sainte par Jean Paul II.

    D’une écriture saccadée comme les battements d’un cœur ardent en permanent danger, Véronique Olmi dresse le portrait poignant d’une femme charismatique. Enfant martyr puis adolescente persécutée Bakhita courbe l’échine mais jamais la conscience. Elle a reçu dans son foyer un amour immodéré qui lui tient lieu de talisman face aux avanies qu’on lui inflige. Son héritage affectif est devenu sur-conscience, facteur de tolérance et  de compassion. Au couvent elle est parfois diabolisée mais sa simplicité désarme, sa bienveillance emporte l’adhésion des enfants, son dévouement indéfectible  séduit les plus farouches visiteurs. Croix de Jésus protectrice en main, elle échappe au statut de victime, en développant sa noble et patiente générosité. Bakhita  c’est le portrait inspirant d’une femme miséricordieuse, une lumière qui marque le lecteur d’une  empreinte immuable.

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  4. L’invasion des araignées: une historiette de papy Jacques

    2 décembre 2017 par Jacques Deruelle

    Un hiver particulièrement rude enveloppait le Jura mais les habitants du village montagnard de Taillefer, habitués aux périls climatiques savaient résister aux injustices des coups du sort. Leur capacité d’endurance toutefois allait cette fois être mise à rude épreuve quand se produisit au plus près de leur intimité domestique, un phénomène des plus inédits et des plus angoissants.

    Soudainement, des milliers d’araignées de toutes tailles et de toutes couleurs envahirent les ruelles, s’infiltrèrent partout, dans les granges, les écuries, les étables, les chaumières jusqu’aux  cuisines, salles d’eau et même jusqu’à l’intimité des chambres.

    Les habitants s’affolèrent, femmes et enfants autant que les mâles! Il faut dire qu’une de ces redoutables bestioles jaillissait dès qu’on soulevait un plat ou une assiette, qu’on ouvrait un placard, qu’on s’emparait d’un jouet et pire qu’on écartait draps et couvertures du lit.

    On ne pouvait détruire toutes ces aranéides faute d’insecticide en quantité suffisante et les villageois avaient à cœur de ne pas répandre ce poison particulièrement nocif pour les humains.

    Au cours d’une assemblée générale extraordinaire à la Mairie, on décida donc de fuir l’invasion en quittant au plus vite la contrée mise en quarantaine par le Préfet.

    Or le jeune villageois,  Isham d’à peine six ans et demi connaissait l’univers fascinant et mystérieux des araignées, d’une leçon de science bien suivie à l’école, enrichie de ses propres observations. Il avait examiné dans sa cabane, nichée entre deux rondins de bois, une tarentule se laissant manger par ses bébés à peine sortis du cocon! Seule la faim avait donc incité tant d’arachnides à quitter leurs cachettes en quête de nourriture!

    Alors ce petit garçon aussi ingénieux que curieux fabriqua sans tarder aussi vrai que nature, une mouche géante avec du papier crépon, de la laine et de la peinture.

     

    Il accrocha son appât à la selle de son vélo et parcourut le hameau bientôt suivi par une meute sinistre d’araignées alléchées par un aussi fabuleux festin.

    Le jeune cycliste posa pied à terre au bord de la falaise bordant le territoire et précipita son leurre au fond du ravin. Les bestioles par milliers dévalèrent aussitôt la paroi abrupte surplombant une crique emplie de bouquetins et de chèvres des montagnes morts d’une chute. Les cadavres fourmillaient d’insectes composant une miraculeuse pitance pour les faméliques errantes.

    La colonie s’installa en ce lieu providentiel et y demeure toujours, tapie dans les anfractuosités des rochers.

    De retour  au village, le jeune garçon fut célébré tel un héros. Il n’avait pas cédé à la peur générale mais trouvé dans le calme de sa réflexion la plus habile des réponses possibles.

     

    NB: « On connait l’histoire du joueur de flute! » A l’énoncé du seul titre, Ismaël, mon petit fils à qui cette historiette est dédiée dévoila  un pastiche dont l’auteur n’avait pas pris conscience.

     

     

     

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  5. Hiver rouge

    18 juillet 2016 par Jacques Deruelle

    9782749143378WEB

     

    Y a t-il un lien entre la doctrine de Jésus et les Croisades, entre le concept marxiste de dictature du prolétariat et le Stalinisme, entre la théorie nietzschéenne du surhomme et le nazisme, entre les leçons coraniques et les vagues d’attentats qui ensanglantent nombre de communautés en ce début de siècle. Non heureusement,  les textes philosophiques ou religieux n’étant jamais réductibles à l’usage qui en est fait par les pouvoirs politiques quels qu’ils soient. Godefroy de Bouillon, comme Lénine ou Hitler n’eurent besoin que d’une rhétorique vulgarisée pour manier les individus et justifier par le verbe la domination sanglante d’un appareil militaire, d’un parti unique, sa bureaucratie, sa nomenklatura. De semblables régimes  dictatoriaux tentent de se maintenir ou de s’implanter aujourd’hui en Syrie, en Irak en reproduisant les mécanismes de diffusion de la terreur au sein même du corps social.  Le trait d’union entre ces différents pouvoirs est de s’extraire du cadre naturel d’exercice de la violence légale, la légitime défense au profit d’une conception amorale du politique qui  pratique l’exaction barbare à grande échelle.

    Comme seul dans Berlin consignait les effroyables mécanismes d’oppression de la société allemande sous régime nazi, Hiver rouge du Britannique Dan Smith reconstitue le climat glacial et sanguinaire de la terreur rouge en Russie sous domination bolchevique qui enveloppe l’errance périlleuse d’un soldat déserteur au cours de l’hiver 1920, à travers l’immense steppe, ses forêts enneigées, ses fermes désertées et ses villages martyrs.

    Soldat de l’armée rouge pendant la première guerre mondiale puis versé dans la Tchéka, l’armée politique bolchevique, Nikolaï Levitski a mis en scène son décès puis déserté en compagnie d’Alek, son frère mort en chemin de ses blessures.  Son unique objectif, regagner le village familial pour enterrer cet aîné idolâtré dans l’adolescence et réhabiliter son humanité perdue auprès de Marianna son épouse et ses deux fils âgés de 12 et 14 ans. Sa foi révolutionnaire s’est définitivement consumée au spectacle des excès de la répression visant les blancs et leur supposés soutiens dans la population puis les verts, ces paysans révoltés, spoliés par d’abusives réquisitions. Mais le hameau de Belem n’est plus qu’un fantôme, les hommes ont été torturés au fer rouge de l’étoile à 5 branches symbole du pouvoir puis exécutés, les femmes noyé ou emmené vers les camps de travail du Nord avec les plus âgés des enfants. Galina une amie de la famille a seule survécu, cruellement blessée à l’orbite, à demi folle, à demi moribonde. Kochtcheï est le responsable du massacre et de la déportation croit-elle se souvenir avant d’aller mourir près des siens au fond du lac gelé. Mais c’est un nom d’emprunt tiré des contes et légendes, un barbe bleu des steppes. Sur son fidèle cheval Kashtan capable de brouter l’herbe sous la neige,  Kolia suit les traces du détachement meurtrier en chasseur expérimenté  traqué lui-même par sept militaires sur ses talons, sitôt son plan éventé. La peur de ne jamais retrouver sa famille vivante s’amplifie alors.

    Dans ce périple glacé au cœur d’une campagne terrifiante sous la brume et ses sortilèges, l’auteur s’attache à dépeindre l’itinéraire d’une conversion; L’homme de devoir finit par désobéir et reconquiert au fil des épreuves son sens de l’altérité et sa bienveillance, déjouant les règles d’un univers de répression, où chacun est une menace pour l’autre, prenant soin dans sa cavale, d’une enfant de 12 ans au risque de sa vie. En point de mire, l’outil parfait de la répression, le tortionnaire sadique accompli, soldat lui aussi mais au profil si éloigné du sien et pourtant si proche! Le tableau des exactions n’est ici qu’esquissé, l’histoire de la terreur rouge sous Lénine avant Staline ne  se dévoile qu’à travers le prisme des destinées individuelles que le hasard confronte, dans l’intimité des postures face au danger. Avec pour seul atout, une puissante monture, l’espérance du héros ne tient  qu’à un fil formant un angoissant suspense aggravé par les incidences extrêmes de l’hiver Russe.

     

     

     

     

     

     

     

     

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  6. No et moi

    4 mars 2016 par Jacques Deruelle

    delphine couv

    Un campement de Roms sous les piliers des échangeurs routiers, un mendiant au pied d’un bureau de poste, un groupe de SDF  sur un banc public forment des images courantes de la misère urbaine. Dans une société parfaite, elle serait résorbée par le partage des richesses. Nos sociétés injustes affichent leurs devises au fronton des édifices publics mais déconsidèrent les politiques d’assistance. Si la résignation collective domine face à la misère du monde qui semble nous dépasser, la peur et  l’impuissance gouvernent-elles aussi nos réactions individuelles dans le cas isolé  d’une injustice constatée sous nos yeux? Ou serions nous capable de tenter l’aventure de briser le silence, prendre la parole, tendre la main. Le reconstituant roman de Delphine De Vigan, No et moi nous donne en exemple, la pépite d’une adolescente de treize ans au regard différent des autres qui décide de sauver de la rue une jeune femme de six ans son aînée, prénommée Nolwenn.

    Élève précoce avec deux ans d’avance dans une classe de seconde,  Lou Bertignac soumet à son professeur de français « les femmes sans domiciles fixes » comme sujet d’exposé, pour défier à la fois sa propre timidité et la coqueluche de la classe Lucas, un cancre insolent aux dix sept printemps prestigieux. Lou possède l’étrange lucidité des surdoués et la volonté de contrôler l’espace qui est le sien. Elle multiplie en soirée les expériences comparatives sur la composition des produits ménagers, le degré de solubilité du nescafé ou du nesquik, ou s’arrête en gare d’Austerlitz pour contempler les figures obligées des retrouvailles ou des départs. Elle obtient pour son devoir la collaboration de No, une habituée des lieux  aux vêtements troués et sales moyennant quelques bières ou vodkas. À la maison, les liens familiaux deviennent de plus en plus fantomatiques depuis la mort subite d’une sœur nouvelle-née, et la dépression maternelle subséquente devenue un pesant fardeau paternel. Lou s’attache à No et rêve de la sauver d’une vie de déshérence, nouveau défi plus grand encore qu’un exposé scolaire triomphal. Or contre toute attente, sa famille consent à héberger la jeune SDF et l’altruisme qui se développe profite à tous, à la maman de Lou qui retrouve dans la prise en charge d’une invitée inédite, le goût de vivre, au père qui reconquiert peu à peu une épouse et sa stature professionnelle, à la jeune écolière en passe de gagner son insensé pari, à No la convalescente bientôt salariée dans un hôtel. Mais la résilience est un chemin bordé de bas fonds pour les grands blessés de l’existence…

    En termes sincères et touchants Delphine De Vigan dresse le portrait d’un trio qu’un même isolement constitue, celui de Lucas  possesseur d’un appartement cossu mais séparé d’une mère qui a refait sa vie au loin, celui de No abandonnée dès sa naissance par une mère qui la nie, celui de Lou en raison de son acuité particulière à débusquer l’injuste. Mais si certains succombent à la détresse l’un dans l’échec scolaire, l’autre dans l’alcool et la prostitution, la jeune adolescente refuse l’échec et use de son potentiel pour changer la donne. C’est une petite fille encore, mais qui telle le Poucet du conte devient géante osant beaucoup, désapprouver publiquement un professeur qui humilie une élève, conduire ses parents sur la voie de l’altérité, ou pousser Lucas l’aîné dans son aventure extraordinaire. La solitude peut parfois exclure, mais  elle peut aussi nourrir la réflexion et faire tomber des barrières, nous enseigne cet attachant roman d’initiation.

    delphine portrait

     

     

     

     

     

     

     

     

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  7. Jean Moulin, l’ultime mystère

    19 février 2016 par Jacques Deruelle

    moulin couv

    En 1977, une émission des dossiers de l’écran fut consacrée à la résistance française pendant l’occupation. Péremptoire, Henri Frenay l’ancien patron du mouvement Combat accusa Jean Moulin d’avoir été un agent crypto-communiste.  Indigné comme nombre de téléspectateurs, son ancien secrétaire Daniel Cordier demeura pétrifié devant le ton cassant de l’ancien ministre des prisonniers, déportés et rapatriés de 1945: « vous ne saviez rien, vous n’étiez que l’intendance ». Cette accusation gratuite visant le martyr de Caluire,  en dit long sur la violence des conflits qui ont entravé le travail d’unification de la résistance intérieure mené par le représentant du Général de Gaulle. « Il est certain que des résistants ont commis l’abomination d’éliminer des camarades pour arriver les premiers à Paris, et il l’ont fait par les Allemands », avouait le général après la seconde relaxe du principal accusé de la trahison, René Hardy allias Didot, chef du réseau fer à Combat.

    Querelle de leadership entre fortes personnalités en apparence, le conflit Moulin-Frenay traduisait en réalité une somme de désaccords idéologiques profonds. Frenay avait cru à la possibilité d’un double jeu de Pétain et détestait les communistes. À Combat, nombre de nationalistes tel Guillain de Bénouville, étaient devenus anti-allemands autant  qu’anti-communistes. Moulin de son côté pour qui Pétain n’était qu’un traître à la patrie voulait établir l’unité d’action des combattants de l’ombre toutes obédiences confondues afin d’asseoir au plus large la légitimité gaullienne exclusive de toute inféodation anglo-saxonne.  Les émissaires de Combat au contraire collectaient des fonds américains en Suisse, devenant ainsi les complices conscients ou non du grand jeu américain, l’installation à Paris d’une gouvernance vassale.  Enfin, Combat entendait occuper un rôle de premier plan à la libération en raison du discrédit jeté sur les partis. Pour De Gaulle, les résistants n’avaient pas vocation ipso facto à incarner le politique. Ils devaient se fondre dans l’armée régulière à mesure de la libération du territoire et poursuivre jusqu’à Berlin la représentativité de la France condition de son futur rétablissement dans le concert des nations alliées. Ce fut le sens de la réponse du Général au jeune François Mitterrand reçu à Alger: Je veux servir mon général! Alors rejoignez l’école des officiers! propos que le futur Président Socialiste interpréta ainsi: il veut m’envoyer à la mort!

    moulin portrait

    Unique en son genre, la capacité d’analyse stratégique et politique du Général était depuis les discours de  Juin 1940 – des forces immenses n’ont pas encore donné, cette guerre est une guerre mondiale!-  parfaitement visionnaire  et de  lointaine portée. De Gaulle n’était certes pas Communiste, mais il avait en tête de préserver ses chances de limiter l’expansionnisme européen de son allié Staline . L’homme du 18 Juin 1940 -moi Général de Gaulle!- tirait toute sa légitimité de sa supériorité à analyser les enjeux du conflit et à anticiper ses conséquences en tant que défenseur des intérêts futurs d’un pays discrédité. Moulin paya de sa vie aussi sans doute, le succès progressif de la stratégie du premier des Français libres et la marginalisation ressentie d’ambitieux  chefs de l’ombre, sur le terrain politique de la future reconstruction nationale.

    Familier d’une des affaires les plus rémanentes de l’occupation, Pierre Péan dessine à travers un nouveau récit, Jean Moulin, l’ultime mystère, co-écrit par Laurent Ducastel, un portrait plus intimiste parfois romancé de l’ancien Préfet révoqué. En 1936, alors qu’il organise l’aide secrète aux Républicains espagnols du Gouvernement de Léon Blum, devenu Directeur de Cabinet de Jean Pierre Cot Ministre de l’Air, Jean Moulin rencontre  au cours d’un dîner parisien une riche artiste peintre proche du fauvisme, d’origine juive, pleine de charme et très courtisée, Antoinette Sachs.

    dessin-humoristique-balai-Jean-Moulin

    Dessin de Jean Moulin

    Celle qui épouse ses goûts pour l’art contemporain et la poésie deviendra une amie fidèle puis une maîtresse. Membre du parti radical socialiste Antoinette partagera ensuite  les  dernières années du combat clandestin de Jean en épaulant le renseignement via Londres.  En 1944, après l’arrestation de Caluire, elle échappe de justesse aux griffes de la Gestapo de Nice et se réfugie en Suisse jusqu’à la libération.

     

    moulin et antoinette


     

    Pendant l’instruction du premier procès Hardy en 1946, elle multiplie les enquêtes, récolte témoignages et documents pour épingler les responsables de la trahison, se muant en auxiliaire de justice passionnée et efficace grâce à son exceptionnel  entregent et à son imposant carnet d’adresses. Las, le défenseur de René Hardy, Maurice Garçon obtient que les rapports allemands retrouvés à Nice ou à Berlin établissant la qualité d’agent double de Didot mais provenant de l’ennemi soient écartés du procès. Les témoins qui n’ont qu’une preuve visuelle de la trahison de l’accusé sont violemment malmenés et déconsidérés et c’est l’acquittement faute de preuves. Antoinette Sachs obtient du Directeur de la DST Roger Wybot, une relance de l’enquête officielle.  La preuve  de l’arrestation de Didot par les Allemands dans un train Paris Marseille toujours niée sous peine de révéler en lui le mouchard, est exhumée des archives de la SNCF. Hardy signe alors des aveux sur ce point puis se rétracte en Avril 1950 au cours du second procès militaire suivant son tonitruant Conseil parti en croisade contre le quotidien l’humanité qui réclame la tête du traître de Caluire. Nouvelle pratique d’abaissement des témoins rudoyés -Laure Moulin inclue- par un ténor du Barreau sans scrupules. Les sept juges se prononcent à la majorité pour la culpabilité de Hardy qui est libéré pourtant faute de majorité … qualifiée. L’ultime compagne du fédérateur de l’Armée des ombres soupçonnera un temps de complot l’entourage Londonien du Général accusé de n’avoir rien fait pour délivrer son amant des geôles de Barbie son tortionnaire. Accusation légère tant les moyens logistiques et humains manquaient pour libérer qui que ce soit des caves de la Gestapo,  Moulin, Brossolette, Delestraint comme tant d’autres! En 1964, l’entrée au Panthéon des cendres du fondateur du Conseil National de la Résistance,  choisi entre tous pour incarner le symbole de l’héroïsme figure l’hommage réparateur de la nation. 

    Discours Hommage d’André Malraux à Jean Moulin le 19 Décembre 1964

    De Jean Pierre Azéma à Daniel Cordier, de Pierre Péan à Dan Franck (https://www.carnetdelecture.net/les-champs-de-bataille-de-jean-moulin/), tous les historiens, chercheurs ou romanciers soulignent la responsabilité de cadres de Combat dans l’issue tragique de la réunion de Caluire, par dissimulation d’informations et double jeu. Aussi les décisions de relaxe successives  eurent le goût amer de l’incomplétude. Le dévoilement progressif des archives militaires  révélera peu à peu, dans le futur, d’autres mystères sur la Résistance, tenant aux dissensions mortelles ignorées du grand public au nom de la raison d’État tournée vers la réconciliation nationale puis franco-allemande.  La mémoire de Jean Moulin qui résista aux pires tortures à Lyon et à Paris, sans jamais parler « lui qui savait tout »*, tant son courage était immense,  n’est donc pas prête de s’éteindre.

    * De Laure Moulin, sa sœur.

     

     

     

     

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  8. Jacob, Jacob.

    16 février 2016 par Jacques Deruelle

    jacob jacob

    Le prénom est ce qui nous désigne en premier et nous singularise dès la classe maternelle. Mais cette imposition parentale possède aussi un sens plus caché, celui qui imprègne le choix. Le nom de baptême a t-il vocation à forger notre identité, à influencer notre destinée selon les sous- entendus de la généalogie familiale incorporés à notre insu?  Alice Zeniter  joue de l’idée que le prénom peut aussi se révéler qualifiant ou disqualifiant dans la relation sociale et légitimer ou handicaper une ambition personnelle.  Chaque premier nom incarne en troisième lieu une histoire voire une mythologie. Dans la Bible, Jacob se confronta à l’ange et fit jeu égal, captant ainsi un peu de sa lumière divine. Dernier né d’une famille juive d’Algérie, le Jacob du roman de Valérie Zenatti se répète souvent son prénom comme un mantra à la fleur de ses dix neuf ans quand en pleine deuxième guerre mondiale son identité est sur la sellette.

    Jacob Jacob relate la vie d’une modeste famille nombreuse de cordonniers entassée dans un appartement de Constantine. Femmes et enfants subissent le joug autoritaire du patriarche  Abraham,  le désamour de son fils l’implacable Haïm marié à Madeleine. la doyenne Rachel, sa belle fille marocaine exilée et ses trois enfants n’ont pour unique rayon de soleil quotidien que l’affectueux soutien du dernier né de Rachel, Jacob. Élève doué, bachelier il cumule le goût des lettres, un talent de chanteur, le sens  de la rêverie poétique sur le pont suspendu de sa ville image de sa hauteur de vue et de son avenir prometteur. Mais l’Armée française en mal de combattants réquisitionne ses ressortissants des colonies. Français des colonies, catholiques, protestants et  juifs et les « non citoyens » arabes sont mobilisés et entraînés pour le débarquement en Provence en 1944. A la manière des soldats d’Indigène plongés du soleil vers la boue, la mitraille, le froid et  la mort, Jacob s’engage vaillamment dans la bataille de France jusqu’aux Ardennes.

    En longues phrases qui moutonnent et s’étirent comme un champ de dunes, dialogues inclus entre deux virgules, qui crépitent aussi au gré des péripéties,  Valérie Zenatti fait renaître avec une tendresse d’appartenance, une histoire familiale tragique commencée dans la blancheur Algérienne et qui s’achève par un exil douloureux à la déclaration d’indépendance.  La guerre fait disparaître les numéros de matricule, fantômes couchés sur les monuments commémoratifs. En mémoire d’une vie singulière au prénom rayonnant, l’écrivaine ressuscite avec passion ces ombres douloureuses et révèle les tribulations  d’une mère courage à la recherche d’un fils angélique que le destin des armes transformera en héros ou en sacrifié.

    jacob auteure

     

     

     

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  9. Juste avant l’Oubli

    31 janvier 2016 par Jacques Deruelle

    juste avant couv

    Les colloques universitaires présentent-ils un intérêt pour la recherche scientifique ou n’offrent-ils aux participants qu’une occasion de villégiature sur fond de réassurance  narcissique et d’entre-soi factice! Enseignante de Facultés, Alice Zeniter ne valorise guère le verbe pompeux de ces spécialistes auto-proclamés dont une brigade modélisée  parcourt son dernier roman, juste avant l’Oubli. L’auteure invente un auteur et son œuvre prétexte à une exégèse, et jongle avec les ingrédients du roman policier.

    Franck, infirmier rejoint sur la côte écossaise Émilie sa compagne depuis  huit années, chargée de l’organisation d’un colloque consacré à un auteur de roman policier, sujet de sa thèse. Devenu ermite sur une île des Hébrides à la suite d’un divorce malheureux le maître adulé a disparu en mer quelques années plus tôt. Suicide ou accident? Parfaitement étranger à ce monde d’intellectuels surfaits, prisonnier d’un lieu fantasmagorique,  Franck lèvera avec l’étrange complicité du gardien solitaire de l’île, le mystère de cet évanouissement littéraire inexpliqué. Tandis que les conférenciers se pavanent sur scène en ergotant sur la prétendue sexualité du célèbre romancier puis jabotent à table ou flirtent discrètement enivrés, la séduisante Émilie se laisse griser et son couple vacille.

    L’atmosphère policière du récit sert d’écran à une réflexion sur les ressorts de la création romanesque et à l’analyse des liens entre les projections intimistes ou imaginatives d’un auteur  et son intériorité. Alice Zeniter  explore aussi les fondements du lien amoureux puis son érosion lente.  Deux solitudes se contemplent et s’accommodent d’un quotidien rassurant ou se révoltent dans le contexte inhabituel d’un manoir fantomatique révélant l’envers du miroir,  l’exaltation et les déboires des aspirations identitaires. 

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  10. La fille sauvage

    23 janvier 2016 par Jacques Deruelle

    la fille sauvage couv

     

    Avant de nuancer d’un regard plus ethnographique (danse avec les loups), le cinéma américain friand d’épopées  et de mythes fondateurs  a  particulièrement stigmatisé la nature sauvage  des tribus indiennes. Tragique réalité ou surenchère de l’Histoire? Dans sa jeunesse, épris  de  culture amérindienne à la suite de la découverte touristique d’une réserve Cheyenne; Jim Fergus devenu écrivain publiera en 1998, mille femmes blanches, premier roman  visualisant un projet d’intégration des américains d’origine par l’union avec des femmes blanches forcées. La fille sauvage, passionnant récit a pour objet premier le rapt d’une adolescente apache par un chasseur de fauves américain. L’ouvrage nous plonge alors dans les méandres périlleux de la Sierra Madré là où  une  rancheria de bronco  apaches survivants et parias se terre.

    En 1932, une expédition  américano-mexicaine se constitue à Douglas en Arizona pour retrouver un enfant kidnappé par la bande d’un chef indien cruel et défiguré. Un orphelin de dix sept ans Ned Gilles, photographe débutant du quotidien local la rejoint et se lie d’amitié avec une étudiante en anthropologie pleine d’audace, un étudiant bourgeois excentrique et anticonformiste à la féminité brocardée y compris par les siens, son aimable serviteur ancien majordome en exil ainsi que deux éclaireurs apaches sortis d’une réserve, un chaman et son petit fils . En chemin Ned photographie l’adolescente à demi nue emprisonnée après sa capture, une sauvageonne transformée en bête de foire, la Nina Bronca. Celle dont le scalp est rétribué par le gouvernement Mexicain est sauvée de la mort par une astucieuse proposition de Ned, d’échanger la prisonnière moribonde contre l’enfant disparu. D’abord engagée sous le signe du folklore et du défoulement, la  troupe est bientôt confrontée à la violence vengeresse d’une ethnie menacée d’extinction. Drames et gestes héroïques se succèdent  jusqu’à l’imprévisible dénouement, intelligemment consignés dans les carnets du jeune photographe.

    A travers le narrateur à l’esprit aventureux et humaniste, Jim Fergus revisite le tabou d’un des fondements de la civilisation américaine, les conséquences génocidaires de la conquête de l’Ouest. Les assassinats de fermiers isolés, les rapts de femmes ou d’enfants destinés au repeuplement des tribus décimées par l’armée, les pillages commis par les guerriers peaux rouges répondent aux massacres généralisés des  campements par la troupe, aux déportations massives vers les réserves, à l’élimination d’une culture ancestrale à mesure de l’expansion des colons. Le cercle vicieux de la barbarie en raison de la disparité des moyens militaires se conclu par la quasi disparition des tribus amérindiennes, au début du Vingtième siècle. L’auteur redonne sens aux mythes et aux pratiques culturelles d’un peuple morcelé dont les droits bafoués  retrouvent dans l’Amérique d’Obama, une certaine légitimité.

    lafille sauvage

     

     

     

     

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